Un nouveau cours d'histoire qui divise
Article proposé par Mathieu Mercier, enseignant
(Québec) En gestation depuis deux ans, le nouveau cours Histoire du Québec et du Canada fait progressivement son entrée au secondaire. Les écoles qui veulent l'enseigner dès cette année peuvent le faire; mais il faudra attendre la rentrée 2017 avant que ce cours, axé sur les «particularités du parcours de la société québécoise», ne devienne obligatoire.
Le Soleil a mis la main sur le programme de troisième secondaire de ce nouveau cours, rédigé par le ministère de l'Éducation en date du 30 mai. Visant à remplacer le cours Histoire et éducation à la citoyenneté, qui est enseigné depuis 2006, le nouveau cours opte pour une approche chronologique, en troisième puis en quatrième secondaire, au lieu d'une approche par thèmes, qui a été décriée par plusieurs enseignants ces dernières années. Ces derniers avaient l'impression d'être redondants, en racontant l'histoire plusieurs fois, selon différentes perspectives.
Cette réforme a suscité bien des réactions au printemps dernier. Certains trouvaient le cours trop centré sur l'«histoire nationale» du Québec, et pas assez sur l'apport des différentes communautés - autochtone, anglophone et autres - à la construction de la nation québécoise.
En mai, le ministre de l'Éducation Sébastien Proulx a annoncé qu'il faudra une année de plus avant que le programme ne soit étendu à toutes les écoles. «On veut se donner le temps d'évaluer une cohorte au complet, car le cours n'a pas encore été donné en quatrième secondaire», justifie son attachée de presse Marie Deschamps.
Ce nouveau cours a toutefois eu la faveur de plusieurs écoles, qui ont décidé de plonger et de l'enseigner en troisième secondaire cette année, selon Raymond Bédard, président de la Société des professeurs d'histoire du Québec. «La réforme n'est pas reportée, le ministre Proulx a simplement permis aux écoles qui ne se sentaient pas prêtes de retarder d'un an son application. Le matériel est disponible et la majorité des écoles vont de l'avant», souligne M. Bédard dans un échange de courriels.
Le ministère de l'Éducation pourrait encore y apporter quelques modifications en cours d'année. «Comme tout autre projet pilote, on va recevoir les commentaires et on est ouverts aux rétroactions des professeurs», indique Mme Deschamps.
Ajout de la notion d'esclavagisme
Entre la version préliminaire de janvier 2016 et celle de mai 2016, il n'y a eu que peu de changements dans le programme, a constaté Le Soleil. Le seul changement significatif est l'ajout de la notion d'esclavagisme en Nouvelle-France : le moment où les premiers esclaves ont mis les pieds au Canada et celui où l'esclavagisme a été aboli. Pour le reste, les mots conquêteet assimilation s'y trouvent toujours pour décrire la bataille des plaines d'Abraham, en 1759, et ses conséquences. Le cours parle aussi de «nationalisme» quand vient le temps d'aborder la révolte des Patriotes, en 1837 et 1838.
La réforme du programme d'histoire a commencé sous Marie Malavoy, ex-ministre de l'Éducation du Parti québécois. Elle est basée sur un rapport, signé par le sociologue Jacques Beauchemin et l'historienne Nadia Fahmy-Eid, qui préconisait un renforcement de l'enseignement de l'histoire au secondaire. Les deux experts proposaient que l'histoire soit racontée en suivant la «trame nationale» de la province.