Lucy : l'australopithèque la plus célèbre du monde a 41 ans
La (lointaine) grande tante de l'espèce humaine a été découverte par une équipe franco-américaine le 24 novembre 1974. Google lui souffle ses bougies.
Ah, sacré Donald Johanson ! Quel sacré culot ! La découverte de Lucy le 24 novembre 1974 est quasiment toujours associée à son seul nom. C'est que ce bougre de paléontologue américain sait y faire avec les médias. La vérité veut que deux Français, le géologue Maurice Taïeb et notre fameux Yves Coppens, soient associés à cette découverte. Leur malheur, c'est que ces deux derniers, co-chefs de l'expédition, n'étaient pas sur place le jour de la découverte de la mignonneAustralopithecus afarensis.
Donc, au début des années 70, Johanson, qui n'est qu'un paléontologue encore en culottes courtes, mais très ambitieux, rencontre lors d'une fête à Paris Maurice Taïeb. Celui-ci lui parle de ses dernières expéditions en Éthiopie, dans le « triangle des Afars », où il a trouvé des fossiles de porcs et d'éléphants d'au moins trois millions d'années. Il invite, généreusement, le jeune Américain à l'accompagner lors de sa prochaine campagne de fouille. Yves Coppens est aussi de la partie en tant que spécialiste des proboscidients (ancêtres des éléphants), au Collège de France.
Les restes d'un hominidé d'au moins 3 millions d'années
Au printemps 1972, c'est une première mission de repérage. En 1973, c'est parti pour la première campagne de fouille. Les paléontologues découvrent un fragment de tibia, puis celui d'un fémur. Tous les deux s'emboîtent visiblement et prouvent qu'ils appartenaient à un hominidé qui savait marcher sur ses deux jambes. Une première découverte capitale ! L'apparition de Lucy intervient lors de la campagne suivante, en novembre 1974. Maurice Taieb avait quitté le camp pour faire du ravitaillement. Yves Coppens est dans un autre coin du désert à exhumer précautionneusement un crâne fossile d'éléphant. Le 24 novembre, durant la matinée, un jeune étudiant du nom de Tom Gray insiste pour que Johanson le suive pour examiner un crâne de porc découvert à proximité. Au moment de remonter dans la Land Rover, Johanson aperçoit un ossement sur le sol qu'il identifie comme un morceau de coude appartenant à un hominidé. Bientôt, les deux hommes aperçoivent de nombreux autres ossements, mâchoire, bassin, fémur tout autour. Ils sont assommés, stupéfaits. Personne avant eux n'avait encore découvert un hominidé quasi complet d'au moins 3 millions d'années, l'âge de la couche géologique.
Baptisée grâce aux Beatles
Retour au camp en fanfare. Tom hurle d'allégresse. Tout le monde se précipite sur le site. Le périmètre est soigneusement délimité pour ne rien bouleverser. Le soir même, c'et la fête au camp. La bière coule à flots, la musique est mise à fond. Fan des Beatles, Johanson fait jouer Lucy in the sky with diamonds parmi d'autres morceaux. Sa petite amie lui lance : "Puisque vous pensez que c'est une femelle, pourquoi ne pas l'appeler Lucy ?" Et au fil des jours, l'quipe adopte ce nom.
Durant trois semaines, l'équipe fouille et ramasse chaque éclat d'os avec le soin d'un Sarkozy récoltant chaque voix d'électeur. À l'époque, Johanson et Coppens savent qu'il s'agit d'un australopithèque, mais n'imaginent pas qu'il s'agit d'une nouvelle espèce. Lucy est finalement classée comme une nouvelle espèce,Australopithecus afarensis, qui n'est cependant pas dans la droite lignée humaine. Elle appartient à une autre branche qui s'éteindra ultérieurement.
D'après la finesse de son squelette, c'est une femelle adulte - entre 14 et 15 ans - d'environ un mètre de haut. De petites jambes et de longs bras car elle devait passer une partie de son temps dans les arbres. Pas vraiment la taille mannequin avec ses 50 kilos. Pas très finaude avec un cerveau de 380 à 560 cm3 et une face projetée vers l'avant comme celle d'un singe. Reste la question de sa démarche. Comment se tenait-elle debout ? Droite ? Penchée ? Chaque milimètre carré de ses ossements a été examiné des centaines de fois. Des centaines d'études ont été publiées à ce sujet. Aucune réponse n'est encore définitive sur sa démarche exacte. Johanson est aujourd'hui convaincu qu'elle marchait avec agilité, la jambe bien dépliée et pas les genoux pliés, même si elle dormait encore dans un nid dans les arbres. "Elle avait la démarche chaloupée", note, Coppens. Avec une certaine fierté, il précise que si ce sont les Américains qui ont les premiers découverts Lucy, c'est l'Académie des sciences qui a publié le premier papier scientifique consacré à la belle Lucy. Et ça, Donald ne peut pas le nier !