RAÏF BADAWI Harper est prié de se mouiller La femme du blogueur saoudien et Amnistie internationale
Article proposé par Mathieu Mercier
L’épouse du blogueur Raïf Badawi, Ensaf Haidar, demande au premier ministre d’intercéder personnellement auprès de l’Arabie saoudite en faveur de son mari. Pour l’instant, Stephen Harper laisse le dossier entre les mains de son ministre des Affaires étrangères.
De passage à Ottawa, Mme Haidar a expliqué à quel point elle était reconnaissante de l’appui canadien jusqu’à présent, mais devant l’inaction de son pays, elle estime que la pression doit s’accentuer. « J’aimerais voir M. Harper intervenir pour obtenir le pardon immédiat et la libération de Raïf », a-t-elle déclaré par l’entremise de son interprète au cours d’une conférence de presse.
Le Saoudien Raïf Badawi a été condamné à 1000 coups de fouet (à raison de 50 par semaine) et à 10 ans de prison pour avoir tenu des propos jugés trop libéraux par son pays. Son épouse et leurs trois enfants ont obtenu du Canada le statut de réfugié et se sont installés à Sherbrooke. M. Badawi a reçu ses premiers 50 coups de fouet le 9 janvier, mais il a été jugé en trop mauvais état de santé pour subir sa seconde flagellation les deux vendredis qui ont suivi. Il est prévu qu’il la subisse ce vendredi.
Amnistie internationale a écrit à M. Harper jeudi pour lui demander de sauter dans la mêlée diplomatique. « Le prochain geste que doit poser le Canada, pour illustrer la puissante réaction que ce cas suscite à travers le pays, c’est d’avoir des échanges au plus haut niveau avec les autorités saoudiennes par votre implication personnelle, dit la lettre. Nous comprenons qu’il est exceptionnel qu’un premier ministre intervienne lui-même au nom d’un individu emprisonné à l’étranger, mais nous sommes convaincus qu’il s’agit précisément d’un cas exceptionnel et que les Canadiens s’attendent à ce que vous posiez un geste décisif et significatif. »
Réponse inchangée
Pour l’instant, le bureau du premier ministre ne change pas de position. Dans une réponse écrite, il indique que c’est le ministre des Affaires étrangères, John Baird, et l’ambassadeur pour la liberté religieuse, Andrew Bennett, qui « continueront de soulever nos préoccupations. Comme M. Badawi n’est pas citoyen canadien, nous sommes limités dans les mesures que nous pouvons prendre en son nom ». La réponse ajoute : « Nous sommes profondément préoccupés par la situation de Raïf Badawi. […] Le châtiment administré à M. Badawi est une violation flagrante de la dignité humaine » et constitue un « traitement barbare et inhumain ».
Pour sa visite à Ottawa, Mme Haidar était notamment accompagnée de son député, le néodémocrate Pierre-Luc Dusseault, et du libéral Irwin Cotler, qui agit pour elle à titre d’avocat, ainsi que de militants venus de Sherbrooke et de Montréal. Tous ont participé à une manifestation qui s’est terminée devant l’ambassade de l’Arabie saoudite.
M. Cotler a rappelé que l’Arabie saoudite avait un piètre bilan en matière de droits de la personne, elle qui emprisonne les femmes qui conduisent un véhicule, qui a décapité, l’année dernière seulement, 90 personnes pour des causes telles que la sorcellerie ou la critique de l’islam. Dans ces circonstances, alors, M. Badawi ne devient-il pas qu’une illustration d’un problème beaucoup plus profond qu’il faudrait dénoncer ?
« Évidemment qu’il y a une crise des droits de la personne en Arabie saoudite qui est beaucoup plus vaste, plus profonde, et qui remonte à plus longtemps »,a reconnu Alex Neve, d’Amnistie internationale. Mais le cas Badawi a l’avantage d’offrir une « poignée » aux citoyens. « C’est une tragédie personnelle, mais c’est aussi une fenêtre sur la situation terrible des droits de la personne en Arabie saoudite […] Et ce cas offre à bien des gens qui voulaient dénoncer cette situation, mais qui ne savaient pas comment faire, une occasion de le faire. »
Mme Haidar, pour sa part, ne s’en cache pas. « Je désire voir les lois de l’Arabie saoudite changer, mais aujourd’hui, c’est de mon mari qu’il est question. C’est son cas que je veux résoudre, alors je ne veux pas me mêler des lois de l’Arabie saoudite. »