Le pont Champlain continue de se dégrader
BRUNO BISSON La Presse
Sur le Saint-Laurent, les chaloupes, bateaux et pontons font constamment la navette entre la digue de la Voie maritime et les nombreuses barges amarrées au pied des grandes piles de béton du pont Champlain. Les matériaux et équipements de chantier sont débarqués sur les barges et hissés à l'aide de grues jusque sur les plateformes accrochées sous le pont.
Derrière les grandes toiles qui cachent ces chantiers suspendus entre le fleuve et les voies de circulation du pont, une petite armée de travailleurs est à pied d'oeuvre depuis des mois pour tenter de prolonger la vie utile du lien routier le plus achalandé entre la Rive-Sud et Montréal, en attendant son remplacement définitif, à la fin de 2018.
La bataille n'est pas gagnée. Les dizaines de millions de dollars pompés dans des chantiers de réfection, ces dernières années, n'ont pas suffi à stopper la progression des dommages sur cette structure minée par la rouille et les effritements de béton, selon le plus récent rapport d'inspection de l'ouvrage, daté de mars dernier.
La moitié des 100 poutres de rive, qui longent le pont de chaque côté, sont dans un état jugé «déficient». À l'intérieur de ces poutres, les câbles de précontrainte en acier «ont continué de se dégrader», malgré les travaux de renforcement déjà réalisés pour conserver l'intégrité des poutres.
La dalle de béton du pont est dans un état jugé médiocre ou déficient sur plus de 60% de sa superficie. Près de la moitié des joints de dilatation doivent être remplacés. Et sous le pont, deux piles sur trois ont besoin d'être réparées.
Selon ce rapport, «les travaux essentiels qui se sont accélérés ces dernières années en fonction de la progression des dommages ont permis de maintenir la fonctionnalité de l'ouvrage et d'assurer la sécurité des usagers. Pour l'avenir, et jusqu'au remplacement du pont, ces programmes devront être renforcés considérablement, surtout pour les poutres de rive et les dalles».
Ainsi, après avoir dépensé en tout 76 millions en 2012 et 2013, la société des Ponts Jacques Cartier et Champlain (PJCCI) prévoit en dépenser 147 millions, cette année seulement, pour assurer la sécurité du pont Champlain.
Si l'on tient compte des 125 millions en crédits déjà alloués pour l'an prochain, c'est près de 350 millions qui auront été investis dans la survie à court terme de ce pont d'ici la fin de 2015.
D'ici la fin de décembre, quand les travaux seront interrompus par le froid et les glaces, qui empêcheront toute navigation entre la Voie maritime et les chantiers suspendus au-dessus des eaux, PJCCI prévoit renforcer 43 des 100 poutres de rive du pont Champlain et réparer 14 de ses piles déficientes.
À partir de novembre, la société fédérale prévoit aussi installer un treillis modulaire sous 13 poutres, qui seront ainsi soulagées de toutes les charges s'exerçant sur elles au passage des quelque 160 000 automobiles et camions qui traversent chaque jour le pont Champlain.