Les travaux de forage sont suspendus à Cacouna
Photo: Lawrence Côté-CollinsLa juge souligne que, même si TransCanada risque de subir un «préjudice économique», il est raisonnable d’exiger l’arrêt des travaux, notamment parce que le béluga est une «espèce menacée».
Article proposé par Naomie Fournier
LE DEVOIR
Les groupes environnementaux qui souhaitaient faire stopper les travaux de forage à Cacouna viennent finalement d’obtenir gain de cause. Dans un jugement rendu mardi en Cour supérieure, la juge Claudine Roy « ordonne » l’arrêt des travaux de forage jusqu’au 15 octobre. Cela signifie que la pétrolière albertaine TransCanada ne pourra pas poursuivre les forages déjà entrepris en milieu marin, en plein coeur de l’habitat essentiel du béluga du Saint-Laurent.
Selon ce que faisaient valoir les avocats du Centre québécois du droit en environnement, sur la base d’une expertise scientifique, la période choisie pour la réalisation des forages autorisés par Québec pose une menace directe pour les baleines blanches qui vivent dans le secteur. Dans le jugement, on précise que cette période s’étend au moins jusqu’au 15 octobre.
La juge souligne en outre que, même si TransCanada risque de subir un « préjudice économique », il est raisonnable d’exiger l’arrêt des travaux, notamment parce que le béluga est une « espèce menacée ».
Selon ce qu’a fait valoir au Devoir l’avocat des requérants, Me Michel Bélanger, ce n’est que la première manche. Les groupes environnementaux espèrent par la suite faire annuler le certificat d’autorisation octroyé par Québec.
Pour le moment, selon le jugement, les travaux pourraient toutefois reprendre après le 15 octobre. Le certificat d’autorisation émis par Québec est valide jusqu’en novembre. Donc, à moins d’un revirement majeur, TransCanada ne pourra pas compléter ses forages avant la fin du délai fixé par le ministère de l’Environnement.
Menace pour les bélugas
Selon un avis scientifique produit par Robert Michaud, un expert des cétacés qui étudie les bélugas québécois depuis plus de 30 ans, la construction d’un port pétrolier dans le secteur de Cacouna menacerait directement « le rétablissement de la population de bélugas » et pourrait même « accélérer son déclin et réduire les chances de survie de la population ».
Ce constat basé sur la recherche est d’autant plus préoccupant, selon M. Michaud, que cette population de mammifères marins ne montre aucun signe de rétablissement depuis sa protection totale instaurée au début des années 80. Le nombre de bélugas a même reculé au cours des dernières années, passant de quelque 1000 individus à environ 880. L’espèce est d’ailleurs désignée comme « menacée » par Québec depuis mars 2000, en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables.
Dans ce contexte, la zone maritime de Cacouna est tout simplement cruciale pour l’espèce. C’est dans ce secteur de l’estuaire du Saint-Laurent que se concentrent, de mai à octobre, les femelles gestantes. Elles y mettent bas et y demeurent avec leurs veaux. Elles y trouvent également une source d’alimentation essentielle pour assurer leur survie hivernale.
Or, c’est précisément là que TransCanada veut construire un quai où viendront s’amarrer des pétroliers de plus de 250 mètres. Ces navires transporteront de deux à cinq fois plus de pétrole que la quantité déversée par l’Exxon Valdez en Alaska en 1989. Transporté par pipeline en sol québécois, ce brut tiré des sables bitumineux traversera le fleuve Saint-Laurent à quelques kilomètres en amont de Québec.