Terminal pétrolier et bélugas: voix discordante à Pêches et Océans
Jean-François Cliche Le Soleil
(Québec) Les forages que TransCanada veut faire à Cacouna ont fait couler beaucoup d'encre, mais au-delà de ces travaux, c'est tout le projet de terminal pétrolier et le trafic maritime accru qu'il générera qui «risquent d'avoir des effets négatifs» sur les bélugas. Et ce ne sont pas des militants de Greenpeace qui le disent, mais bien des scientifiques de Pêches et Océans dans un «avis» récent. .excerpt
Le document a été rédigé par six employés de la Direction régionale des sciences du ministère des Pêches et des Océans (MPO) et déposé sans fanfare en mai sur le site de l'aile québécoise du Ministère. Les avocats du Centre québécois de droit de l'environnement (CQDE) l'ont déposé en preuve lorsqu'ils ont demandé (sans succès), il y a deux semaines, une injonction pour stopper les travaux de forage que TransCanada veut faire là-bas. Le document n'a vraisemblablement pas beaucoup aidé leur cause, puisqu'il portait sur une étape antérieure des travaux, soit des levés sismiques qui devaient être réalisés au printemps.
Cependant, en fin de texte, les scientifiques sentent le besoin de rappeler qu'un autre avis récent du MPO avait souligné l'importance de garder le gros du trafic maritime dans le chenal nord du Saint-Laurent.
Dégradation acoustique
En effet, on trouve un chapelet d'îles au large du secteur de Cacouna et de L'Isle-Verte qui font écran au bruit généré par le trafic maritime - dans la mesure où celui-ci reste de l'autre côté, bien sûr. Pour le béluga du Saint-Laurent, c'est particulièrement important, car la côte sud sert de pouponnière à l'espèce, étant très fréquentée au printemps et en été par les femelles et leurs veaux. L'avis avait donc «statué qu'une augmentation du trafic maritime dans le secteur sud risque d'avoir des effets négatifs, ou neutres dans le meilleur des cas, sur le rétablissement du béluga du Saint-Laurent. [...] La déviation d'une partie du trafic marchand vers le chenal sud diminuerait grandement le nombre de zones à l'abri du bruit pour les femelles, juvéniles et veaux, et contribuerait à la dégradation acoustique de certaines zones de concentration qui, auparavant, étaient peu exposées au bruit de la navigation».
Et, soulignent au passage les scientifiques du MPO, «la construction d'un terminal pétrolier dans le secteur de Cacouna, et les activités de construction ainsi que le trafic maritime qui en découlera, vont à l'encontre de ces recommandations».
Rappelons que TransCanada veut construire un terminal pétrolier dans le port de Gros-Cacouna dans le cadre de son projet de pipeline Énergie Est. Celui-ci doit transporter du pétrole de l'Alberta vers l'Atlantique, et une partie de ce pétrole doit être chargée sur bateaux à Cacouna. Le trafic maritime s'en trouvera donc forcément augmenté.
Il n'a pas été possible de parler à un porte-parole de Pêches et Océans, mercredi. Au provincial, on signale que ce n'est pas sur ce document que le ministre de l'Environnement David Heurtel a fondé sa décision de donner le feu vert aux forages de TransCanada.