Effacer Champlain...

OPINION Effacer Champlain ? Personne ne songerait à débaptiserle pont Jacques-Cartier, ainsi nomméil y a 80 ans aujourd’hui GUY BOUTHILLIER ANCIEN PROFESSEUR AU DÉPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE DE L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL, PRÉSIDENT DU MOUVEMENT QUÉBEC FRANÇAIS DE 1985 À 1993, ET PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ SAINT-JEAN-BAPTISTE DE MONTRÉAL DE 1997 À 2003.

Aujourd’hui, 1er septembre marque le 80e anniversaire du pont Jacques-Cartier. Ce jour-là, en 1934, fut donné officiellement à cet ouvrage achevé en 1930 le nom sous lequel nous le connaissons depuis.

Cela donna lieu naturellement à une belle et grande cérémonie : dévoilement d’un buste de Jacques Cartier offert par la France, proclamation officielle du nom par Alfred Duranleau, ministre du gouvernement Bennett, participation d’une délégation venue de France présidée par un haut dignitaire de la 111e République, présence d’un ministre du gouvernement du Québec, fanfares, hymnes nationaux, le Ô Canada et La Marseillaise. Le héros « visible » de cette fête, c’était bien sûr Jacques Cartier. Choisir son nom en 1934, c’était commémorer le 400e anniversaire de la découverte du Canada et de la prise de possession du territoire au nom du roi de France, proclamation à la racine même de ce qu’on appellera plus tard le Canada français.

Mais les véritables héros de cette fête furent tous ceux et celles, hommes et femmes, notables ou modestes citoyens, qui, sous la houlette du journal Le Devoir, inspirateur principal de ce mouvement, surent si bien se faire entendre qu’ils obtinrent d’Ottawa que le nom de Cartier vienne remplacer celui de « Pont du Havre de Montréal », nom on ne peut plus banal qui avait d’abord été choisi puis proclamé officiellement par Mackenzie King lors d’une première inauguration qui eut lieu le 24 mai 1930, jour de la Fête de la Reine et de l’Empire britannique.

Cette célébration de Jacques Cartier, ce beau nom issu de notre histoire, cette victoire obtenue en 1934 par le petit peuple canadien-français, tout cela apparaîtra si normal que c’est tout naturellement qu’en juillet 1958, 25 ans plus tard, le gouvernement Diefenbaker choisira le nom de Champlain pour le futur pont de L’Île-des-Soeurs, soulignant ainsi le 350e anniversaire de la fondation de Québec par Samuel de Champlain.

Personne ne songerait aujourd’hui à faire disparaître le nom de Jacques Cartier de la nomenclature de nos ponts. Pourquoi certains esprits songent-ils alors à faire disparaître celui de Champlain ? Voilà la question qu’il faut poser en ce 1er septembre 2014.